Le Conseil de l’Europe appelle l’Espagne à mettre fin à la persécution politique des représentants catalans, le gouvernement espagnol gracie des dirigeants catalans

La résolution, présentée par la Commission des questions juridiques et des droits de l’homme du Conseil de l’Europe[1], appelle l’Espagne à abandonner les poursuites à l’encontre des représentants politiques et des manifestants pacifiques catalans, à libérer les personnes incarcérées, à réformer le code pénal et à s’abstenir de demander aux prisonniers de renier leurs opinions politiques. Dans une tentative de blanchir la réputation internationale de l’Espagne, le gouvernement espagnol a approuvé aujourd’hui la grâce de neuf dirigeants catalans emprisonnés.


22 juin 2021 – L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) a débattu et adopté la résolution « Les responsables politiques devraient-ils être poursuivis pour les déclarations faites dans l’exercice de leur mandat ? », élaborée par le rapporteur Boriss Cilevičs, membre de la Commission des questions juridiques et des droits de l’homme du Conseil. Le texte a reçu le soutien de 70 membres, tandis que 28 ont voté contre, et 12 ont émis un vote blanc.[2]

Au cours du débat précédant le vote de la résolution, M. Cilevičs, a souligné que « la Turquie et l’Espagne ont une chose en commun : elles ont des représentants élus qui ont été emprisonnés pour leur opinion publique. C’est quelque chose qui ne se produit nulle part ailleurs en Europe. » Il a également souligné que « l’exercice de droits fondamentaux, tels que l’appel à des manifestations pacifiques, surtout lorsqu’il est exercé par autant de personnes, ne peut jamais être considéré comme un crime. »

La résolution ne se contente pas de comparer le comportement des autorités turques et espagnoles, mais en ce qui concerne les autorités espagnoles, elle attire l’attention sur la détention provisoire disproportionnée et les peines de 9 à 13 ans de prison infligées aux dirigeants politiques catalans « entre autres pour des déclarations faites dans l’exercice de leurs mandats politiques », en faveur du référendum indépendantiste catalan du 1er octobre 2017.

En ce sens, l’APCE appelle également les autorités espagnoles à réformer le code pénal en ce qui concerne les délits de rébellion et de sédition – qui n’existent plus dans la majorité des États européens – « de manière à ce qu’elles ne puissent pas donner lieu à une interprétation qui rendrait inopérante la dépénalisation de l’organisation d’un référendum illégal voulue par le législateur lorsqu’il a abrogé cette infraction particulière en 2005, ou à des sanctions disproportionnées pour des infractions non-violentes ».

Le rapport demande également la libération des dirigeants civiques et politiques catalans condamnés pour leur rôle dans l’organisation du référendum de 2017 et des manifestations pacifiques de grande envergure qui l’ont accompagné, et à envisager de mettre un terme aux procédures d’extradition des responsables politiques catalans vivant à l’étranger recherchés pour les mêmes motifs, ainsi qu’à abandonner les poursuites encore en cours également à l’encontre des fonctionnaires de rang inférieur impliqués dans le référendum. En outre, elle souligne que les autorités espagnoles devraient également s’abstenir d’exiger des politiciens catalans détenus qu’ils renient « leurs opinions politiques profondes en échange d’un régime carcéral plus favorable ou de la possibilité d’être graciés ».

En ce sens, il convient de noter que les amendements présentés par les représentants espagnols pour tenter d’atténuer la sévérité du texte ont tous été rejetés à une large majorité. L’objectif de ces amendements, une douzaine au total, certains présentés par des représentants socialistes et d’autres par le Parti populaire, était de diminuer ou de supprimer directement toute référence à la poursuite des représentants pour l’organisation d’un référendum, à la demande de libération de prisonniers, ou à l’arrêt des poursuites contre les exilés et les hauts fonctionnaires du gouvernement, entre autres.

Il s’agit d’une nouvelle remontrance aux autorités espagnoles, qui ont déjà reçu de multiples appels, comme ceux du Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire, ainsi que d’organisations non gouvernementales comme Amnesty International, l’Organisation mondiale contre la torture et la Commission internationale des juristes, entre autres, pour qu’elles libèrent immédiatement les prisonniers politiques. Depuis 2017, la criminalisation incessante de la volonté politique du peuple de Catalogne par l’État espagnol a conduit à la poursuite de près de 3300 personnes.

Le gouvernement espagnol gracie neuf dirigeants catalans

Le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez était hier à Barcelone pour annoncer la grâce des neuf dirigeants civils et politiques catalans emprisonnés pour l’organisation du référendum du 1er octobre 2017 et pour avoir appelé à des manifestations pacifiques. Avec ce geste, qui a été confirmé lors du Conseil des ministres d’aujourd’hui, M. Sanchez tente de mettre en scène une résolution apparente du conflit catalan. Mais rien n’est moins vrai. Il s’agit d’une solution particulière pour neuf personnes qui, ces dernières années, ont subi de plein fouet la répression brutale de l’État espagnol. Pourtant, les représentants catalans en exil, ainsi que plus de 3000 personnes victimes de représailles, ont été laissés à l’écart de ces mesures.

En outre, le gouvernement espagnol a annoncé que les grâces sont conditionnelles : si les dirigeants osent à nouveau faire usage de leurs droits fondamentaux, en soutenant la volonté du peuple catalan d’exercer à nouveau sa pleine souveraineté, l’État les emprisonnera automatiquement. Par conséquent, la décision de l’exécutif ne se comprend que du point de vue de l’intérêt personnel, au mépris de celui de la Catalogne. Il est irréaliste d’envisager une solution politique concertée au conflit avec l’État espagnol si celle-ci n’inclut pas la reddition et l’humiliation du mouvement indépendantiste catalan. La seule solution au conflit est la fin de la répression policière et politique espagnole, et la reconnaissance du droit à l’autodétermination du peuple catalan. Une chose que plusieurs ministres espagnols et M. Sánchez lui-même ont déjà exprimé à plusieurs reprises qu’ils n’accepteront jamais.

[1] https://pace.coe.int/pdf/2e20a8d73c243138e28583f509320254a278acb9997f85e42ba6585c7e5f3a76/r%C3%A9solution%202381.pdf

[2] https://pace.coe.int/fr/votes/38527