En Biélorussie, lors des manifestations contre la réélection le 9 août du président-dictateur Alexandre Loukachenko, un chant est repris avec ferveur par la foule. Mais ce n'est ni Give peace a chance de John Lennon, ni Bella Ciao, ces classiques des rassemblements militants à travers le monde. L'Estaca a été écrite et enregistrée en 1968 par le chanteur catalan Lluis Llach, et cette parabole sur un pieu fiché dans la terre que des générations de paysans ne parviennent pas à arracher devient rapidement un chant de ralliement des opposants à la dictature du général Franco. En 1979, en Pologne, la chanson prend une signification anticommuniste, quand elle est adoptée comme hymne par le syndicat interdit Solidarnosc. C'est d'ailleurs une traduction en biélorusse de la version polonaise signée Jacek Kaczmarski que chantent les opposants à Loukachenko, les deux adaptations portant le même titre: Mury (les murs).
Так Гомель праважаў Ціханоўскую. pic.twitter.com/upycjdo5FV
— Наша Ніва (@nashaniva) July 26, 2020
Sur scène, L'Estaca clôturait rituellement les concerts de Lluis Llach, reprise à pleins poumons par le public. Jusqu'à ce que le chanteur décide en 2007 de mettre un terme à sa carrière pour se consacrer à son exploitation viticole, à la littérature, puis se lancer en politique. Elu député du parlement régional de Catalogne, ce qui avait surpris de la part d'un défenseur des idéaux anarchistes, il est aujourd'hui, à 72 ans, une figure du mouvement indépendantiste. En février, il accompagnait le président destitué de la région, Carles Puigdemont, lors d'un meeting à Perpignan devant 200 000 sympathisants.
Il existe des dizaines de versions de L'Estaca, traduite dans une cinquantaine de langues. En Tunisie, la version arabe du duo Yasser Jeradi et Lakadjina, sous le titre Dima Dima, a accompagné la «révolution de jasmin» en 2011. Le groupe toulousain Zebda l'a chantée sur son disque Motivés, recueil de chants révolutionnaires. Tout comme Cali et Balbino, deux artistes de Catalogne Nord (la partie française de la région). La chanson a même investi le champ sportif puisqu'elle est jouée avant chaque match à domicile de l'Usap, l'équipe de rugby de Perpignan.