Le président indépendantiste du Parlement de Catalogne, Roger Torrent, a été visé par un logiciel espion très perfectionné, révèlent le Guardian et El Pais, s’appuyant sur des éléments techniques analysés par l’ONG Citizen Lab.
M. Torrent a été prévenu de la campagne l’ayant ciblé directement par WhatsApp. L’entreprise américaine a découvert à la mi-2019 l’existence d’une faille de sécurité dans son logiciel, qui était utilisée par l’entreprise israélienne NSO Group pour installer, à l’insu des utilisateurs, de puissants logiciels espions sur leurs téléphones. Cette faille est notamment suspectée d’avoir permis la mise sur écoute du téléphone du multimilliardaire Jeff Bezos ou du journaliste Jamal Khashoggi, assassiné dans le consulat d’Arabie saoudite à Istanbul en 2019.
La liste des clients de NSO Group est confidentielle – l’entreprise vend son système Pegasus dans le monde entier, et affirme ne le proposer qu’à des états. Le prix de ce système ultraperfectionné – estimé à plusieurs millions d’euros par cible – le rend de toute manière inaccessible à la plupart des particuliers et des organisations non étatiques. Les révélations du Guardian et d’El Pais « corroborent et confirment nos craintes que contre les militants pro-indépendance, l’état est prêt à utiliser tous les moyens à sa disposition pour s’attaquer à un projet politique légitime », a dit M. Torrent. Selon les deux journaux, deux autres militants indépendantistes ont été ciblés de la même manière au début de 2019.
Le Centro nacional de Inteligencia (CNI), le service de renseignement espagnol, a affirmé dans un communiqué « agir dans le strict respect de la loi » ; le bureau du premier ministre espagnol a de son côté dit que « le gouvernement n’a aucune preuve que des tentatives d’espionnage des téléphones » de militants indépendantistes aient eu lieu.
La justice israélienne valide l’exportation des logiciels de NSO Group
Ce 13 juillet, NSO Group a par ailleurs remporté une victoire juridique face à Amnesty International. Un tribunal de Tel-Aviv a confirmé la légalité de la licence d’exportation dont bénéficie l’entreprise israélienne ; l’organisation de défense des droits de l’homme arguait que l’entreprise ne contrôlait pas suffisamment l’utilisation qui était faite de ses logiciels, notamment dans les pays autoritaires.
« NSO Group profite des violations des droits de l’homme », a déclaré Amnesty International dans un communiqué :
« La décision du tribunal va à l’encontre des montagnes de preuves qui montrent que les logiciels espions de NSO Group sont utilisés contre des défenseurs des droits de l’homme, en Arabie saoudite ou au Mexique, y compris des employés d’Amnesty. »
A la fin de juin, une enquête du consortium de journalistes Forbidden Stories, dont Le Monde fait partie, avait montré que le journaliste marocain Omar Raddi avait été espionné par un logiciel espion de NSO Group. M. Raddi fait depuis l’objet de multiples convocations, et dénonce un « harcèlement judiciaire » à son encontre. Lundi 13 juillet, il a de nouveau été auditionné pendant la majeure partie de la journée par la police marocaine.
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